L'arrêt à ne pas manquer | Renforcement du droit des salariés à la preuve grâce au droit d’accès aux données personnelles prévu par le règlement RGPD
Publié le :
19/06/2025
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Faits et termes du litige
Dans l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt du 18 juin 2025, un employeur avait licencié un salarié pour faute grave à la suite d’une enquête interne diligentée en raison de plaintes relatives à des faits constitutifs de harcèlement moral et sexuel. Une mise à pied conservatoire ayant été ordonnée par l’employeur au moment de la remise de la convocation du salarié à l’entretien préalable à un éventuel licenciement, on comprend que le salarié avait été contraint de quitter son poste de travail sans pouvoir récupérer les éléments s’y trouvant, notamment les courriels envoyés et reçus grâce à sa messagerie électronique professionnelle. Pour obtenir la communication par l’employeur d’une copie des courriels professionnels jugés nécessaires pour défendre ses droits, le salarié invoquait le droit d’accès aux données personnelles prévu par le règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016, relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données (RGPD). L’employeur avait refusé de communiquer les courriels demandés au motif que le droit d’accès aux données personnelles n’est pas prévu par le règlement RGPD à des fins probatoires.Apport de l’arrêt
Pour la première fois, la Chambre sociale de la Cour de cassation se prononce sur la question de savoir si le droit d’accès prévu par le règlement RGPD peut être invoqué pour fonder une demande de communication de pièces contenant des données personnelles du salarié. Elle affirme qu’il résulte des dispositions de ce règlement, d'une part, que les courriels émis ou reçus par le salarié grâce à sa messagerie électronique professionnelle sont des données à caractère personnel au sens du règlement RGPD et, d'autre part, que le salarié a le droit d'accéder à ces courriels, l'employeur devant lui fournir tant les métadonnées (horodatage, destinataires ) que leur contenu, sauf si les éléments dont la communication est demandée sont de nature à porter atteinte aux droits et libertés d'autrui. Si l’employeur ne communique pas ces éléments, il peut être condamné à payer au salarié des dommages-intérêts pour préjudice distinct lié au non-respect du droit d'accès aux données personnelles, nonobstant son éventuelle condamnation à verser d’autres sommes relatives à la conclusion, l’exécution et la rupture du contrat de travail.Portée pratique
Des salariés licenciés n’ayant pu ou eu l’idée de copier les courriels envoyés ou reçus grâce à leur messagerie électronique professionnelle risquent désormais de faire état de cette évolution jurisprudentielle pour réclamer une copie de ces courriels avant d’agir au fond pour contester la conclusion, l’exécution et la rupture de leur contrat de travail. Cette décision présente toutefois deux limites. Tout d’abord, l’arrêt ne concerne que les courriels envoyés ou reçus grâce à la messagerie électronique professionnelle du salarié demandeur. L’arrêt n’envisage pas la communication d’autres courriels contenant ses données personnelles échangés par d’autres salariés de l’employeur grâce à leur messagerie électronique professionnelle. En outre, l’attendu de principe exclut expressément la communication d’éléments de nature à porter atteinte aux droits et libertés d'autrui comme indiqué par l’article 15 du règlement. Il convient donc de déterminer, courriel par courriel, si les éléments contenus dans les courriels du salarié sont susceptibles ou non de porter atteinte aux droits et libertés des autres salariés, des clients et des prestataires de l’employeur. Cette analyse doit être menée de manière d’autant plus prudente que les tiers pourraient tenter d’engager la responsabilité de l’employeur en cas de communication au salarié demandeur de courriels portant atteinte aux droits et libertés de ces tiers.Cass. soc., 18 juin 2025, n°23-19022